À une femme croisée
Assis à une terrasse. L'odeur du café, le premier d'après mission, le meilleur. Celui qui me prouve que je suis bien vivant.
Le soleil illumine la rue, sa lumière fait ressortir le sang sous mes ongles que j'ai pas eu le temps d'astiquer.
Tu apparais et autour de toi, l'obscurité. C'est pas vrai, hein, c'est toi qui brilles dans le gris du quotidien.
Ta démarche, rapide, pressée, comme si t'étais en retard et en vrai, c'est possible.
Toi aussi, tu me fais sentir vivant.
J'imagine des journées avec toi.
Des plats brûlés.
Des lessives à étendre.
Des soirées à lire au coin du feu.
Des trucs de vivants.
Tu passes devant moi, tu me lances pas un regard.
Normal, je suis qu'un gars de plus sur ton chemin, finalement.
Ton parfum s'ajoute à l'odeur du café. C'est agréable.
L'espace d'un instant, je me demande si je vais me lever et te suivre, et te parler, peut-être te séduire.
Tout laisser tomber.
Mon boulot.
Mes convictions.
Pour toi.
Pour fonder une famille, comme tu voudrais qu'on fasse.
Et, la vérité, l'espace d'un instant, j'en ai envie.
Mais je finis par fermer les yeux.
Je peux pas m'imposer ça.
Et je peux pas t'imposer ma vie.
Je sens l'ordre de mission suivant dans ma poche.
Qui voudrait passer sa vie à se demander si l'autre reviendra bien le soir, hein ?
Surement pas toi.
Alors je te laisse.
Je te laisse continuer ta vie, et je continue la mienne.
Le goût du café encore en bouche, ton parfum encore au nez, je me lève et je rentre chez moi.
Je ne te reverrai jamais, c'est peut-être mieux comme ça.
— F.