Manifeste
C'était une école, putain. Un lieu de vie, un lieu d'amour. Ils ont cramé l'école. C'est là qu'on a grandi, tous autant qu'on est. Même eux, putain. Même eux, ils étaient élèves là-bas ! On y a nos meilleurs souvenirs. Nos pires, aussi. Gideon dans la fontaine. Molly qui nous réprimande et nous qui nous marrons. Ils ont pas seulement cramé une école. Ils ont cramé les souvenirs, les rires — les larmes, les foutus rêves d’ado — les paris débiles, les chansons beuglées à moitié faux, les chuchotements dans les couloirs — les conneries écrites dans les marges. Tout ce qui faisait qu’on y était chez nous. Ils ont cramé ça aussi. Et on veut qu'on attende les instructions ? Qu'on "organise une réponse mesurée" ? Allez vous faire foutre, putain. Je suis pas un héros, ça c'est clair. Je suis pas putain d'Ulysse qui se laisse mener en bateau et trimballer de port en port. Je suis le putain de bateau. Je suis la colère mal digérée, la peur qui refuse de plier, le foutu besoin que ça serve à quelque chose. J'attends pas de remerciements, je m'en fous. Je veux juste plus avoir à porter des noms dans ma poche. Des gosses. Des collègues. Des amis. Je veux pas consoler des mères, des sœurs, des épouses. Des pères, des frères, des maris. Je ne veux pas une médaille. Je veux juste ne pas devoir annoncer à Molly que Gideon ne rentrera pas ce soir. Je veux que mon neveu et tous les mômes à venir n’aient pas à connaître le goût du sang dans les murs d’une école. J'ai pas été formé pour ça. Personne n'a été formé pour ça. Mais j'y vais quand même, et j'voudrais bien voir celui qui va m'en empêcher. J’ai pas les bons mots. J’ai pas les bonnes manières. J’ai la rage. J’ai mes poings. J’ai ma putain de baguette. Et j’ai encore assez d’amour pour me battre. Et ça, vous pouvez pas le tuer. — F.
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