Après une mission
Je crois que j’ai eu peur. La vraie. Celle qui te cloue au sol, qui te coince le souffle, qui te fait croire que t’y es. Que c’est fini. Pas une peur noble. Pas celle qui fait se battre jusqu’au bout. Non. Une peur sale. Collante. La peur de mourir. Ça s’est joué à rien. Un sort de travers. Une demi-seconde. Un foutu angle mort. J’ai senti le monde basculer. Et pendant un instant, j’ai cru que je reverrais plus jamais la lumière. Pas la lumière dramatique, métaphorique. Non. Celle des matins gris, des tasses de café tièdes. Des vannes débiles de Gideon. Du rire de Molly quand elle fait semblant d’être fâchée. J’ai cru que tout ça, c’était fini. Et le pire, c’est que j’ai pas eu de pensée héroïque. Pas de “j’espère qu’on se souviendra de moi”. Juste un “pas comme ça”. Pas comme ça. J'ai pensé à eux. À Molly. À ses engueulades qui réchauffent. À Gideon. À sa façon de froncer les sourcils quand il voit clair en moi. Mais j’suis pas mort. Pas cette fois. Il m’a relevé. Il a rien dit. Il m’a pas engueulé, il m’a pas rassuré. Il a juste posé une main sur mon épaule. Et dans ce geste-là, j’ai tout compris. Que j’étais pas seul. Que j’avais le droit de tomber, parfois. Je me suis remis debout. J’ai fait mon boulot. J’ai lancé mes sorts, j’ai couvert ses arrières, comme toujours. Je suis rentré. Entier, à peu près. Mais depuis… Mes mains tremblent quand je les regarde trop longtemps. Je fais semblant que tout va bien. Je claque des blagues. Je lève les yeux au ciel. Mais lui, il sait. Et c’est pire que tout, parfois. Parce que j’ai l’impression qu’il m’aime quand même.

— F.
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