Souvenir – Boule de Noël
Tout à l'heure, je fouillais dans les vieux cartons. Pas que je cherchais un truc précis. En fait, c'est surtout un truc pour le petit, que je cherchais. Je sais pas trop quoi, un truc à moi, un truc à nous, un truc à lui donner, juste au cas où. Qui sente un peu Fabian, un peu trop chargé, peut-être, par les années.
Et j'ai pas trouvé. Mais j'ai vu un truc briller, faiblement, un tout petit peu. C'était une boule de Noël. J'ai senti un sourire sur mon visage, parce que cette boule, c'est pas n'importe quelle boule.
Noël 1963, notre dernier Noël à Poudlard.
Dee, Lee et moi, on s’est dit qu’on allait faire une surprise aux autres.
Alors on se retrouve tous les trois, dans la salle commune, après le couvre-feu. On veut la décorer, cette foutue salle commune.
Pas avec des trucs achetés, pas avec des machins tout prêts. Avec nos mains, nos baguettes, et nos idées tordues.
On a ramené des boules vierges, des guirlandes informes, des bouts de parchemin gribouillés. Molly avait tout organisé, évidemment. Dee faisait genre qu’il s’en foutait, mais il avait passé l’après-midi à perfectionner un sort pour que les étoiles en haut du sapin tournent sans s’arrêter. Moi ? Moi j’étais là pour les conneries. Et les éclats de rire.
On a passé deux heures à tout charmer.
Y’a une boule qui se mettait à chanter dès qu’on la regardait trop fort.
Une autre qui s’est mise à exploser en paillettes et à miauler pendant cinq minutes.
Et une qui clignotait dès que quelqu’un mentait. (Autant dire qu’elle a viré épileptique quand Gideon a affirmé qu’il n’était pas stressé pour les ASPICs.)
Et puis y’a eu… le défi.
C’était Molly, évidemment. Son sourire en coin, le genre à annoncer une connerie à venir.
Chacun devait poser une boule enchantée sur sa tête.
Celui qui la faisait tomber ou la désenchantait en premier, il perdait.
Et devinez qui a éternué à cause des paillettes ?
Ouais. Bibi.
La sentence est tombée comme une beuglante :
« Tu déclares ta flamme à la boule du sapin. À genoux. Avec panache. »
J’ai joué le jeu. Évidemment que j’ai joué le jeu.
Je me suis mis à genoux, j’ai pris l’accent tragique, le regard fiévreux, la main sur le cœur.
J’ai murmuré des vers improvisés à une foutue décoration pendue à une branche.
Et j’ai terminé en lui demandant sa main en mariage, sous le regard hilare de mes frère et sœur.
On a ri, putain.
Un vrai rire, un rire de ventre, de larmes au coin des yeux, de bonheur brut.
Le genre de rire qui s’en fout de la guerre à venir, des responsabilités, des attentes.
Le genre de rire qu’on oublie trop vite, parfois.
Et ce soir, quand j’ai vu cette boule briller dans le fond du carton, j’ai souri.
C’était elle. Celle qui chante faux et qui a failli me faire perdre mon audition.
Je vais la donner au petit.
Pas parce qu’elle est belle. Elle l’est pas.
Mais parce qu’elle est chargée. D’eux. De nous.
Et j’me dis que peut-être, si elle brille encore, c’est qu’il y a encore des souvenirs qui tiennent.
Des promesses qui vibrent.
Et puis...
Peut-être que dans quinze ans, c’est lui qui se mettra à genoux devant le sapin.
Mais Merlin, faites qu’il ait une meilleure voix que moi.